Une nuit bordelaise [Boubou - mardi 23 novembre 2010] _________________________________________________________________________________ A cette « incertitude qui nous charme ». Elle est belle comme la nuit. Comme Dada, sublime et convulsive. Une nuit, elle vous invente un monde et une autre, elle le détruit. Elle ressemble à ces phrases interminables, des écrivains qui tentent la rupture. Elle est une inspiration profonde, suivie d’une logorrhée hystérique et frénétique, jusqu’à l’épuisement des poumons. Tenter l’étouffement. Voilà ce que c’est de vivre, un grand souffle gorgé d’absurde, qui dévaste le temps. Elle dévore l’humain et l’inhumain en un rire burlesque et strident, se réveillant alors à la morsure du chat. Elle écope l’écume, qui suinte de la gueule des bâtards puis, les embrasse en suçons purulents. Elle est belle ma nuit bordelaise. Quand tu la regardes au fond des yeux, tu quittes l’orbite et tu t’écrases dans sa bouche d’égout. Des caniveaux, t’en rigoles. Ils drainent moins de larmes que tes joues. Et pourtant, pourtant. Pourtant la nuit se suspend parfois. Elle suce les pendus qui sèchent au vent, dont les cœurs suspendus, crachent encore leurs ultimes douleurs. Alors, la corde à linge autour du cou, les secondes défilent. Dis moi, existes-tu encore? Quand le temps te devance, que le contrôle se défait? Tu n’es alors qu‘un pantin, tiré par des lacets. Tu rejoins les clochards métaphysiques des bas côtés, des rigoles éplorées. Il n’y a pas à dire, la vie pue l’essence. La nausée mord la tripe et les moteurs prennent corps. Toi tu n’es rien, à part ton existence. Ta pure et torturée existence. Et parfois, oui parfois, je me dissous en elle, dans la soude de tes prunelles. Mais la pluie ressoude les pavés éclatés, le lendemain, coulent les traces de nos pas dans les failles de l’asphalte. La ville de nuit est un tableau, dont les couleurs émanent d’une palette de vomissures et dont la lumière prend feu dans l’acidité des réverbères. Ma nuit bordelaise, c’est toi.